Entretien avec Jean-René

mardi 1er avril 2008
par  Bruno

Que faisais-tu avant d’être chanteur ?

J’ai commencé comme chanteur en 1976 . Auparavant, j’étais instituteur dans les écoles de la région lyonnaise. Je chantais souvent avec mes élèves dans ma classe. Mais je voulais écrire des chansons. Je faisais déjà des spectacles sur Boris VIAN par exemple. Rapidement, j’ai trouvé que j’avais ma patte à apporter à la chanson pour enfants. Je pensais avoir un peu d’originalité dans cet univers musical.

Que faisais-tu chanter dans ta classe quand tu étais instituteur ?

Principalement des chansons d’Anne SYLVESTRE et des chansons traditionnelles.

T’es-tu engagé dès le début pour la petite enfance ?

Oui, et peut-être encore plus consciemment par la suite avec la naissance de Frédéric. Au fil des années, j’ai été conforté dans le fait que mon domaine, ce sont les trois sections de maternelle, le CP et le CE1. J’ai toujours été très à l’aise avec les petits.

Tu n’as pas toujours été indépendant ?

Non. En 1980, je suis entré chez Auvidis où j’ai sorti deux disques. Mais je voulais faire uniquement ce que je souhaitais. J’ai donc créé en 1985 les Éditions Crayon Bleu. En tant qu’indépendant, vous faites le disque que vous voulez, quand vous voulez, avec les musiciens que vous voulez, le dessinateur que vous choisissez. Mais après quinze ans, c’était de la folie que d’être gérant d’une SARL. Je suis redevenu intermittent.

Et comment as-tu subi le crash des années 80 ?

Je l’ai certainement moins senti que mes collègues qui étaient dans le métier depuis plusieurs années. J’arrivais sur le marché. Je me suis créé mon public sans être entravé par une image ou un choix professionnel déjà installé. J’ai même été invité chez Dorothée… !

Tu as réussi à entrer chez Sony.

Et ça a été une grande chance parce que grâce au catalogue national de Sony, j’ai pu être distribué sur tout le territoire et donc être connu auprès des écoles et du grand public.

Combien as-tu vendu de disques aujourd’hui ?

Je dois en être à près d’un million pour une vingtaine d’albums : en allemand, en français, en anglais, en public.

Tu animes toujours des spectacles ?

Bien sur. Pour moi, le spectacle est plus important que le disque. Vous ne pouvez pas tricher en spectacle. Vous mettez cent cinquante enfants de maternelle… vous savez tout de suite si vos chansons passent. Vous êtes en relation directe avec vos auditeurs. C’est passionnant.

Quelle place ont les artistes "Jeune Public" dans la chanson ?

Nous sommes très déconsidérés par rapport aux autres artistes. Les gens pensent que l’on fait de la chanson pour enfants parce qu’on ne sait pas faire autre chose. La plupart des artistes disent que les enfants doivent écouter et chanter en piochant dans le répertoire adulte. Certains de ces artistes disent : "Je ne m’abaisserai pas à écrire pour les enfants… c’est aux enfants de venir piocher dans mon répertoire." Pourtant, je crois que c’est TCHEKOV qui disait : "Il faut écrire pour les enfants comme pour les adultes, mais en mieux." Il est souvent plus difficile d’écrire pour les enfants. Tu es obligé d’adapter ton vocabulaire, ta musique tout en veillant à ce que cela reste une œuvre d’art. Et même dans le domaine de l’art pour les enfants, nous sommes considérés comme les derniers. Passent avant nous dans l’esprit des gens et des programmateurs de centres culturels la littérature, le théâtre

Tu as une vision assez noire de l’avenir de la chanson pour enfants.

Les producteurs ne veulent plus s’engager et préfèrent sortir des disques créés avec trois bouts de ficelle. Deux synthés leur suffisent. Pour moi, je trouve cela très réduit.

Entretien réalisé pour la revue Farandole, éditée par l’association Arpèges