Entretien avec Anne SYLVESTRE

jeudi 28 février 2008
par  Bruno

Comment, au début des années 60, alors qu’on ne parlait pas encore de chansons pour les enfants, se lance-t-on dans ce créneau ?

C’est un peu par hasard. J’avais composé quelques chansons pour ma première fille qui était encore très jeune et j’ai eu envie de les enregistrer, qu’elle ne reste pas dans un tiroir. Il a fallu tirer l’oreille de mon producteur de l’époque pour qu’il accepte de prendre en charge une partie de l’enregistrement de ce 45 Tours. Personne n’y croyait, moi non plus peut-être. Et finalement, le disque s’est bien vendu auprès des familles et des écoles. Les circonstances ont fait que les suivants sont sortis quelques années plus tard, en 1969. A partir de 1973, je suis devenue ma propre productrice ce qui m’a permis de véritablement travailler régulièrement pour les enfants. Aujourd’hui, les premiers 45 T et 30 cm ont été repris sur CD et forment 16 albums.

Avez-vous eu conscience, dans les années 65-70, d’ouvrir une porte ?

Oh, oui, bien sûr. Petitement pour commencer, plus franchement ensuite. Et à un certain mot, plein de gens se sont engouffrés dedans, des bons, des moins bons et on s’est aperçu que c’était un filon, un marché… Alors là, du pire et du meilleur !

Vos disques tournent toujours autour d’un thème.

En effet, depuis que je suis devenue ma productrice, j’ai créé les albums autour d’un thème : la mer (Fabulettes marines), les oiseaux (Fabulettes aux oiseaux), la roue (Tournez Fabulettes), la ville (la Ville aux enfants)… J’avais des amies institutrices qui me l’avaient demandé afin de travailler sur l’année tous les aspects d’un thème. Je m’applique encore à le faire parce que je pense que c’est une bonne démarche. Je choisis une idée et je balaie tout ce qui peut s’y rapporter. C’est pour cela que dans Fabulettes aux lumières, on trouve le ver luisant, les étoiles, la veilleuse, les yeux du chat, le phares, les lumières de la ville…

Certaines chansons sont difficiles à chanter.

Il y a des chansons à écouter et des chansons à chanter. Sur chaque album, certaines chansons sont à écouter. Mais d’autres sont à reprendre en chœur, à inventer des couplets. Je suis ravie quand on invente des couplets. Les chansons, c’est un peu de la pâte à modeler.

Comment faites-vous pour organiser votre vie artistique entre les disques, les scènes, le théâtre ?

Tout ne vient pas en même temps, heureusement. Les disques à sortir ne tombent pas à la même période. C’est une question d’état d’esprit. Quand je décide que je vais entrer dans la période Fabulettes, j’ai des antennes qui poussent, je ramasse toutes les idées et je me mets au labeur. J’écris en même temps les paroles et la musique. Tout est très lié. Mais je ne mélange pas chansons pour adultes et pour enfants. Je ne décline pas un même thème pour les deux publics. Ce sont alors des périodes d’écriture très séparées.

Vous chantez pour les adultes, mais vous ne faites pas de scène pour les enfants ?

Jamais. J’ai lu un jour dans un magazine : "Déçue par les adultes, elle s’est tournée vers les enfants". J’ai toujours fait les deux en même temps. Le choix de ne pas de faire de scène enfants vient d’abord du fait qu’au début où j’ai écrit des chansons pour les petits, ça ne se faisait pas de faire des spectacles pour eux, ni d’animations. Bon, peut-être qu’à une certaine période, une période "de vaches maigres", si on m’avait demandé, j’aurais certainement accepté de venir chanter dans les écoles. Ca ne s’est pas présenté. Ensuite, je n’ai pas envie d’aller sur scène pour les enfants. Ce n’est pas mon métier cela. Quand je chante les Fabulettes, je suis comme un enfant. Je ne me vois pas sur scène "comme un enfant". Certains le font très bien. A posteriori, je me rends compte que la scène enfants, si je l’avais faite, aurait entièrement mangé ma carrière. Je n’aurais fait que cela. On doit parfois faire un choix. Pierre CHENE a cessé sa carrière adulte pour ne se consacrer qu’aux enfants. Henri DES a fait le contraire et ça a bien marché. Moi, je n’ai pas envie de cela.

Les Fabulettes vivent par d’autres interprètes.

Oui, en l’occurrence par Jacques HAUROGNE qui a écrit deux spectacles "Inspecteur Jacquot" et "Capitaine Jacquot" et Christine COSTA ’le Voyage d’Alzire" que j’ai écrit et mis en scène.

Comment expliquez-vous le succès durable des Fabulettes ?

C’est grâce aux enseignants, uniquement. Et pas d’une manière officielle. Je n’ai jamais été reconnue par l’Éducation Nationale. Tout s’est passé de bouche à oreille, par des actions personnelles, parfois par un peu de presse écrite. Je dois maintenant avoir un disque des Fabulettes dans toutes les écoles de France

On ne vous voit pas aux Victoires de la Musique…

… Ne plaisantons pas !

Entretien publié dans la revue Farandole, éditée par l’association Arpèges


Navigation

Articles de la rubrique

  • Entretien avec Anne SYLVESTRE